Chronique : La confusion, ennemie du progrès. L’essentiel oublié !

mercredi 12 novembre 2025 • 487 lectures • 0 commentaires

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Chronique : La confusion, ennemie du progrès. L’essentiel oublié !

iGFM - (Dakar) Au Sénégal, nous aimons débattre de politique. Sur les plateaux de télévision, dans les marchés, les universités, les réseaux sociaux, tout devient matière à polémique.

Nous débattons passionnément du pouvoir, des alliances, des ambitions, mais souvent au détriment de l’essentiel : le pouvoir d’achat, l’éducation, la santé, la sécurité, la dignité des Sénégalaises et des Sénégalais.


La vie est devenue chère, presque insoutenable. Les salaires stagnent, les factures explosent. Quant aux familles, elles s’endettent pour subsister. Et c’est précisément à ce moment de fragilité que le pays s’abandonne à plus de politique encore, mobilisations humaines, querelles partisanes, batailles d’ego.
Comme si la scène politique, en réalité, s’alimentait du désarroi collectif.


Or, le Sénégal demeure un pays pauvre et lourdement endetté. Nous n’avons pas le luxe du désordre. L’ennemi de toute révolution, c’est la confusion. Et cette confusion, nous la cultivons : confusion des priorités, confusion dans les discours, confusion dans la finalité même du pouvoir.


Hier, un événement illustre parfaitement ce constat : la coalition présidentielle Coalition Diomaye Président a procédé à une réorganisation majeure. Le président Bassirou Diomaye Faye a mis fin à la mission de Aïda Mbodj à la tête de la coalition pour la confier à Aminata “Mimi” Touré.  


Cette restructuration, annoncée officiellement le 11 novembre 2025, est motivée par le constat d’une « léthargie et des facteurs de division persistants » au sein de la coalition.  


Mais elle a aussi suscité un tollé : le parti au pouvoir PASTEF a contesté la légitimité de ce changement, arguant que le président de la coalition n’avait pas compétence pour procéder ainsi.  


Cette nouvelle illustre ce que j’évoquais plus haut : pendant que la population souffre du coût de la vie et de l’immobilisme, la politique politicienne occupe tout l’espace. La restructuration de la coalition emporte désormais toute l’attention des Sénégalais, comme s’il s’agissait là du véritable enjeu, alors que, concrètement, la vie quotidienne des Sénégalais ne change pas.


L’« essentiel » est encore oublié. Le pouvoir d’achat, l’éducation, la santé, autant de thèmes secondaires dans le tumulte des nominations, des luttes internes, des bains de politique.


Le travail, au Sénégal, n’est plus au centre de la conscience nationale. Il est relégué, banalisé, parfois méprisé. Pourtant, c’est par lui, et par lui seul, que se bâtissent les nations fortes. Le développement ne se décrète pas. Il se mérite, à force de rigueur, de labeur et de clarté.


Quant aux autorités actuelles, elles ne sont pas exemptes de ce travers. Elles donnent souvent le sentiment d’accentuer la pratique politicienne, parfois au détriment de l’action publique. 


Si elles se tuent sans doute au travail, cela ne se voit ni ne se sent, tant la communication politique occupe l’espace et brouille la perception.


Il y a un temps pour la politique au sens partisan et un autre pour la gouvernance au sens noble. Tout ce qui nous est arrivé ces derniers temps, les tensions, les crispations, la méfiance, tout cela est le fruit de ces batailles politiques permanentes qui détournent les énergies de l’essentiel.


L’opposition, pour sa part, joue un rôle essentiel dans l’équilibre démocratique. Elle ne devrait pas qu’être l’adversaire du pouvoir. Elle doit être son miroir critique. 


S’opposer, c’est veiller, questionner, proposer, et parfois alerter. Ce rôle doit s’exercer avec conviction et responsabilité, dans le respect des institutions et de l’intérêt supérieur du pays. Une opposition forte, disciplinée et cohérente est un atout, non une menace.


À ce titre, l’État a tout à gagner à valoriser son opposition. Non pas en la tolérant par obligation mais en la considérant comme un partenaire démocratique utile au contrôle, à la transparence et à la justesse de l’action publique.


La démocratie sénégalaise ne se consolidera que si pouvoir et opposition acceptent de se parler, de s’écouter, et parfois même de se comprendre.


On en est très loin mais il n’est pas interdit de rêver.


Par ailleurs, la vitalité de la démocratie sénégalaise, j’ai l’habitude de le dire, ne saurait se justifier par cette capacité à faire des alternances. Elle est plus que ça ! Elle doit être plus que ça !


Au demeurant, la démocratie ne vit que d’un dialogue adulte, patriotique et sincère entre le pouvoir et l’opposition, sous l’arbitrage d’un peuple éclairé et responsable. Hélas, ce n’est guère le cas. Les débats d’intérêt national sont relégués au dixième plan. La justice est fragilisée, perçue à travers le prisme des querelles politiques. Le pays s’en trouve divisé aujourd’hui plus qu’hier. La fracture sociale s’élargit et la méfiance s’installe durablement.


Le peuple, lui, reste prisonnier de ce cycle. Il ne sera pleinement souverain que lorsqu’il sera instruit, conscient et lucide. Tant qu’il, ce peuple, vivra au rythme des leaders politiques plutôt qu’à celui du travail, il demeurera vulnérable aux manipulations et aux illusions.


L’instruction et la conscience civique sont les vraies armes de la liberté. Le livre que je viens de faire paraître Misons sur l’Education Nationale devrait être un bréviaire en ce sens.


Le Sénégal a des ressources, des talents, une jeunesse vibrante. Mais il lui manque un cap clair, une union sacrée autour du travail et du bien commun.


Nous avons assez parlé. Il est temps de faire. Le vrai combat n’est pas celui d’une reconnaissance politique, d’une quête de popularité ou d’un regain de visibilité. Il est celui de la dignité nationale. Il doit être celui contre le sous-développement.


Gouverner, c’est servir ; s’opposer, c’est proposer ; et pour le peuple, c’est comprendre et agir. C’est à cette triple exigence que se mesure la grandeur d’une nation.
Le Sénégal ne doit pas être une arène, mais un chantier. Car le travail, et lui seul, est la vraie révolution.



Boubacar Mohamed SY
Écrivain - Essayiste

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Publié par

Harouna Fall

editor

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