APR, un parti qui n’est pas comme les autres

dimanche 28 décembre 2025 • 74 lectures • 0 commentaires

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APR, un parti qui n’est pas comme les autres

iGFM - (Dakar) À contre-courant des lectures superficielles et des diagnostics expéditifs, l’Alliance pour la République (APR) demeure un objet politique singulier dans l’histoire contemporaine du Sénégal.

Cette singularité ne tient ni à sa longévité, ni à sa sociologie militante, mais à un facteur central, structurant et toujours opérant : Macky Sall.


La variable Macky Sall dans l’histoire présidentielle sénégalaise


La comparaison avec ses prédécesseurs est éclairante, à condition d’être rigoureuse. Abdou Diouf est certes arrivé jeune au pouvoir, remarquablement préparé et institutionnellement aguerri. 


Mais il a quitté la scène présidentielle à un âge avancé, après quarante années continues d’exercice du pouvoir, dont vingt comme Président de la République, dix comme Premier ministre, et le reste comme gouverneur, ministre et haut fonctionnaire d’État. Son départ marquait la fin naturelle d’un long cycle.


Abdoulaye Wade, quant à lui, accéda au pouvoir tardivement et le quitta par la défaite.
Il quitta également le pouvoir à un âge très avancé, après avoir connu une réussite politique presque totale. Il est même permis d’affirmer que, n’eussent été les déboires judiciaires de Karim Wade, il ne se serait sans doute pas maintenu aussi longtemps dans l’arène politique.


Macky Sall rompt avec ces deux trajectoires. Relativement jeune au regard des standards africains, il quitte la magistrature suprême sans avoir été battu, sans être politiquement disqualifié, et sans avoir épuisé son capital stratégique. Cette donnée est fondamentale. Elle conditionne l’ensemble de sa posture passée, actuelle et future.


Plus encore, sa capacité à se réajuster, à contenir les crises et à organiser des élections crédibles après d’innombrables péripéties institutionnelles démontre une supériorité tactique manifeste. Là où beaucoup auraient été submergés, Macky Sall a su garder l’initiative.
Pour preuve : l’organisation aboutie de l’élection présidentielle de 2024 et sa posture à la fois audacieuse et neutre vis à vis des candidats en présence.


L’impasse stratégique du choix Amadou Ba


Il faut toutefois le reconnaître avec lucidité : le candidat choisi par Macky Sall n’était pas à la hauteur de son intelligence politique ni de sa ruse stratégique. Cette inadéquation fut l’un des points de rupture majeurs du cycle 2024.


Dans plusieurs chroniques publiées en amont de la présidentielle, j’avais non seulement alerté sur les conséquences d’une éventuelle victoire d’Amadou Ba, mais j’avais également interpellé directement le candidat lui-même. L’une de ces chroniques portait un titre explicite : Sauvons le candidat Ba.


L’argument était clair : Amadou Ba ne pouvait pas gagner, non par déficit de compétence administrative, mais par absence de préparation stratégique et de lecture fine du champ politique. Le choix porté sur lui constituait un cadeau empoisonné. Il fallait, paradoxalement, le sauver de cette investiture, tant elle l’exposait à une défaite inévitable.


Exemple de son erreur d’appréciation : Il ne devait pas accepter de rester Premier Ministre dès le moment qu’il a été désigné candidat de l’APR.


Dans une autre chronique datée du 30 octobre 2023, soit près de sept mois avant le scrutin, j’expliquais que la victoire d’Amadou Ba aurait signé la mort politique de Macky Sall. 
En s’imposant, Ba aurait naturellement fait main basse sur l’APR, reléguant son fondateur à une retraite politique définitive.


Cf chronique suivante du 30 octobre 2023 : https://senego.com/le-retrait-strategique-du-president-macky-sall-au-profit-dun-amadou-ba-tres-peu-strategique_1617125.html


Or, cette perspective ne correspondait ni aux aspirations profondes du président Sall, ni à celles de nombreux cadres influents du parti.


Mansour Faye, maire de Saint-Louis et homme de confiance du président, n’a jamais varié sur ce point : l’hypothèse d’un retour politique de Macky Sall à l’horizon 2029 reste, pour lui, parfaitement crédible.


Une défaite révélatrice, non terminale


L’histoire est désormais connue. Amadou Ba perdit l’élection dans des conditions qui confinaient parfois à l’absurde. Il sortit naturellement de l’APR. Macky Sall, lui, récupéra son parti.


Contrairement aux prophéties d’effondrement juste après 2024, il entreprit aussitôt un travail de reconstruction méthodique, depuis l’opposition.


Dans mon ouvrage Présidentielle 2024 au Sénégal : échec et mat, dédié au Presidentielle de 2024, j’avais déjà souligné la célérité avec laquelle ce chantier fut engagé.


À peine la défaite consommée, des tournées de remerciement furent initiées à destination des militants, conduites par les responsables du parti.


Ce geste, faussement symbolique, constituait en réalité le premier acte de reconquête interne.


La vérité est simple : la chance ou la fatalité de l’APR est d’avoir à sa tête une véritable bête politique.


Un contexte national défavorable au pouvoir actuel


Il convient également de rappeler que la situation du pays est objectivement complexe. Cette conjoncture n’est nullement à l’avantage du tandem actuellement au pouvoir.


Leur premier échec stratégique réside dans la fracture du binôme Sonko–Diomaye, pourtant fondamental dans la dynamique électorale de 2024.


Il faut le dire sans détour : le slogan « Diomaye moy Sonko » a été décisif dans l’élection du président actuel.


Il a permis une transposition symbolique inédite, mais révélatrice.


Dans Présidentielle 2024 au Sénégal : échec et mat, j’écrivais EXPRESSIS VERBIS ceci :


Le slogan ou cri de cœur « Diomaye moy Sonko » était une trouvaille qui ne pouvait produire un effet positif qu’au Sénégal. L’explication est simple : le fanatisme.
Présidentielle 2024 au Sénégal : Échec et Mat. Page 175


Ce mot d’ordre n’aurait pu prospérer que dans un environnement où la rationalité électorale cède le pas à l’émotion, où l’adhésion supplante l’analyse, révélant au passage le niveau intellectuel relativement faible du débat politique chez une partie très significative de l’électorat.


La dislocation progressive de ce tandem fragilise aujourd’hui le pouvoir en place. C’est sur et certain.


Une APR loin d’être disqualifiée


L’APR, contrairement aux discours dominants, n’est pas morte. Les difficultés de la justice à écrouer  durablement certains de ses responsables politiques de premier plan ont paradoxalement renforcé leur légitimité militante.


À cela s’ajoute l’intégration de nouvelles figures intellectuelles, à l’image de Hamidou Anne, qui ont contribué à redonner souffle et crédibilité au parti.


L’expérience acquise par l’exercice du pouvoir, longtemps dénoncée, devient désormais un avantage comparatif majeur face à des formations encore en phase d’apprentissage.


Macky Sall a lu cette configuration avec une acuité remarquable. Résilient, stratège, il a patiemment reconstitué son armada.


Aujourd’hui, ses cadres sillonnent le pays, organisent les bases et travaillent à la massification en vue des échéances de 2027 et 2029.


2027, prélude à une recomposition majeure


Les élections locales de 2027 constitueront le premier véritable révélateur. Il ne faut pas l’oublier : l’APR demeure, à ce jour, le parti disposant du plus grand nombre d’élus au Sénégal.


Quant à 2029, l’échéance reste ouverte. S’il n’est pas certain que Macky Sall sera candidat, son génie politique le poussera, cette fois, à préparer un candidat réellement stratégique. Pas comme la candidature de Amadou Ba 


La recomposition à venir pourrait aboutir à l’émergence de trois blocs politiques puissants, ouvrant la voie à des coalitions inédites, parfois improbables, mais structurantes pour l’avenir institutionnel du pays.


Dans cette configuration mouvante, une certitude s’impose : l’APR n’a pas dit son dernier mot.



Boubacar Mohamed SY
Juriste - Écrivain - Analyste politique

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Publié par

Harouna Fall

editor

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