Dialogue élargi entre Pape de Pastef et Moussa le licencié : Chronique d’un Sénégal en clair-obscur

samedi 26 avril 2025 • 150 lectures • 0 commentaires

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Dialogue élargi entre Pape de Pastef et Moussa le licencié : Chronique d’un Sénégal en clair-obscur

iGFM - (Dakar) Scène : Le banc public du vendeur de café Touba Baye Sall, à l’angle d’une rue animée de Grand-Yoff, en fin d’après-midi. Des effluves épicés de café flottent dans l’air, mêlés aux éclats de voix des clients venus refaire le monde autour d’une petite tasse en plastique. Pape, le visage détendu, sirote son café Touba brûlant, tandis que Moussa, visage marqué par les épreuves, fait tourner nerveusement une clé USB entre ses doigts.

Autour d’eux, la vie suit son cours : Baye Sall s’affaire derrière sa petite table, servant à la chaîne des clients pressés ou désœuvrés, tandis que des enfants en uniforme jouent à la marelle sur le trottoir.


Pape (taquin, tapotant l’épaule de Moussa) :


Moussa, tu fais quoi avec cette clé USB ? Tu comptes pirater le système du Port pour te réembaucher tout seul ?


Moussa (Esquisse Un Sourire Triste) :


Ah, Pape… Si c’était aussi simple ! Non, c’est juste mon dernier CV. Je le traîne partout, comme un talisman. Mais tu sais, dans ce pays, un CV de licencié, c’est comme un ticket de loto jamais gagnant. Sonou na di liguéyal naar bi.


Pape (riant franchement) :


Arrête, tu exagères ! Tu sais, chez nous, les pastalibés (fervents partisans du Pastef), on dit que tout est possible avec la volonté. Regarde-moi, simple activiste, je suis maintenant « chargé de mission » ! Bon, c’est vrai, c’est surtout ma mère qui paie encore mon forfait internet… Mais un jour, je serai DG, tu verras !


Moussa (moqueur) :


DG ? Toi ? Avec tes tweets enflammés et tes stories où tu dénonces même le mauvais bissap de ta tante ? Je te vois bien ministre de la Communication… mais seulement sur WhatsApp, tokk mouy dokh rék !


Pape (feint la vexation) :


Oh, le jaloux ! Tu sais, on a besoin de sang neuf, de digital natives. Pas de vieux briscards qui parlent encore de fax et de minitel… Mais bon, dis-moi, comment tu tiens debout ? Tu as maigri, frère, lane mo xéw ?


Moussa (regard fuyant, voix brisée) :


Tu veux la vérité ? Je ne tiens plus vraiment. Après les émeutes, j’ai tout perdu : mon commerce, mes deux femmes m’ont quitté, impossible de payer la scolarité des enfants. Fatou et Coumba, mes filles, travaillaient dur, toujours parmi les 5 premiers de leur classe… Aujourd’hui, elles restent à la maison.
Le matin, je fais semblant de sortir chercher du travail, mais c’est pour éviter leurs regards. J’ai honte, Pape. J’ai honte d’être devenu un père inutile.


Pape (soudain grave, pose sa main sur celle de Moussa) :


Moussa… Je ne savais pas. Je croyais que tu exagérais, comme d’habitude, mais là… Tu sais, même dans ma famille, on se plaint de la vie chère, des factures, mais on n’a jamais connu ce que tu vis. Je suis désolé, massa.


Moussa (sourit tristement, un brin de dérision) :


Arrête de faire ton politicien compatissant ! Toi, tu as la carte du parti, moi j’ai la carte de chômeur.
Tu sais, il y a des nuits où j’ai pensé en finir, xarou dji mou diékh. Mais à chaque fois, je revois le sourire d’Awa, ma benjamine… Elle a ton âge mental, celle-là, toujours à croire que son papa va sauver le monde. Elle porte le nom de ma mère, paix à son âme. C’est elle qui m’a retenu.
Je n’ai plus rien, mais je ne veux pas qu’elle grandisse sans père.


Pape (voix cassée, essayant de plaisanter pour alléger) :


Tu sais, Awa mérite mieux qu’un père dépressif… Peut-être qu’un jour, elle sera présidente, et moi son conseiller en digital ! Aythia bokk !
Mais sérieusement, Moussa, tu n’es pas seul. Même au sommet, ça tangue. Regarde la semaine dernière : le Conseil constitutionnel a humilié notre majorité avec la loi d’amnistie. Les syndicats menacent de faire du 1er mai une « journée de la chômagibilité » ! Même Sonko s’est fait boycotter à l’Assemblée, et les journalistes n’en ratent pas une pour nous tacler.


On voulait la rupture, et on a la fracture !


Moussa (esquisse un rire, puis soupire) :


Au moins, vous avez l’humour. Mais dis-moi, tu crois vraiment à vos discours sur l’employabilité, la justice sociale ?
Moi, je vois juste des fermetures de médias, des arrestations, des licenciements… Même Abdou Nguer, le tailleur-chroniqueur, s’est fait coffrer ! Où est la liberté, où est la dignité ?


Pape (sincère, un peu gêné) :


Parfois, je me demande si on n’a pas perdu le nord. Mais il y a aussi du positif, Moussa. L’espérance de vie a grimpé à 69 ans ! On vit plus vieux, on meurt moins d’infections, les enfants sont mieux vaccinés…
C’est vrai, ça ne console pas ceux qui ont faim aujourd’hui, mais c’est la preuve que le pays avance, malgré tout.
Et puis, regarde, il y a des gens comme toi, qui tiennent bon, qui refusent de sombrer. C’est ça, le vrai courage.


Moussa (voix tremblante, larmes aux yeux) :


Tu sais, Pape, j’ai tout perdu sauf la foi. Je me dis que si Allah (SWT) m’a laissé en vie, c’est qu’il me réserve encore une chance. Peut-être que demain, je retrouverai du travail, que mes filles retourneront à l’école, que je pourrai réunir ma famille.
Je ne veux pas que mes enfants se souviennent d’un père brisé. Je veux qu’ils voient en moi un homme debout, même dans la tempête.


Pape (ému, serre la main de Moussa) :


Wallahi, Moussa, tu es plus fort que tous les DG de ce pays.
Promis, je parlerai de toi partout où je peux. Et qui sait, peut-être qu’un jour, on rira ensemble de tout ça, devant un bon thiéboudiène, avec Awa qui nous racontera ses rêves de présidente.


Moussa (essuyant ses larmes, sourire retrouvé) :


Inch’Allah, mon frère. Tant qu’il y a la vie, il y a l’espoir.
Et qui sait ? Peut-être qu’un jour, ce sera toi qui viendras me demander du travail !


Épilogue : Lueur d’espoir


Dans la lumière dorée du soir, deux amis se relèvent, portés par la fraternité, la dérision et la foi.
Au Sénégal, même quand tout semble perdu, il reste l’humour, la dignité, la solidarité – et l’espérance, cette force qui fait que, d’année en année, les Homo senegalensis vivent plus longtemps, et rêvent toujours d’un lendemain meilleur.


Ceci est une fiction, toute ressemblance avec des faits ou des personnes réelles serait purement fortuite ».


Dr. Papa Djibril Faye, citoyen engagé
Courriel : papa.faye6369@gmail.com

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Publié par

Harouna Fall

editor

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