Air Sénégal – Bpifrance : un bras de fer qui menace l’avenir de la compagnie nationale

Un conflit né d’impayés répétés

Selon plusieurs sources proches du dossier, Air Sénégal accumule depuis plusieurs mois des retards de paiement concernant le financement de deux appareils long-courriers. Ces avions, pierre angulaire de la stratégie internationale de la compagnie, relient le Sénégal à l’Europe et à certaines destinations africaines majeures.

Dans un mécanisme de crédit-bail classique, les avions appartiennent au bailleur tant que les échéances ne sont pas intégralement honorées. Les impayés permettent donc légalement à Bpifrance d’engager une action en restitution.

Pour l’institution française, il s’agit de protéger ses engagements financiers. Pour Air Sénégal, c’est une menace directe sur sa capacité opérationnelle déjà fragilisée.

Une crise qui s’ajoute à une série de revers

Cette affaire ne survient pas en terrain neutre. La compagnie nationale a déjà été confrontée, plus tôt dans l’année, à la restitution forcée de quatre appareils exploités sous leasing auprès de Carlyle Aviation. Ces pertes avaient entraîné des annulations de vols, une réduction d’offre sur plusieurs lignes stratégiques et un impact fort sur l’image de la compagnie.

La menace d’une nouvelle saisie — cette fois sur les seuls long-courriers réellement disponibles — constitue un risque d’une ampleur bien supérieure. Air Sénégal pourrait se retrouver dans l’incapacité d’assurer une partie de ses dessertes internationales, notamment vers l’Europe, un marché vital pour sa rentabilité.

Un impact stratégique pour le Sénégal

Air Sénégal ne représente pas seulement une entreprise commerciale : c’est un instrument d’influence, de mobilité et de souveraineté pour le Sénégal.
La perte de deux A330-neo remettrait en cause : la continuité des liaisons Dakar–Paris, Dakar–Barcelone et Dakar–New York ; la crédibilité du pavillon national dans la concurrence régionale ; le modèle de développement voulu autour de l’Aéroport international Blaise-Diagne (AIBD).

La situation risque également de fragiliser les efforts économiques du pays, déjà affectés par des tensions budgétaires et une conjoncture internationale défavorable.

Un signal pour les partenaires internationaux

Le bras de fer avec Bpifrance envoie aussi un message inquiétant aux autres créanciers, bailleurs et partenaires potentiels.

Un enchaînement de défauts de paiement sur plusieurs contrats pourrait pousser certains acteurs à revoir leurs engagements ou à imposer des conditions de financement plus strictes.

Pour un secteur aérien très dépendant du crédit-bail, un tel climat de défiance pourrait retarder l’expansion de la flotte, augmenter le coût du capital ou inciter à une reconfiguration de la stratégie aérienne nationale.

Et maintenant ?

Le gouvernement sénégalais devra rapidement clarifier sa position : négocier un accord financier pour éviter la saisie, restructurer la dette de la compagnie, ou envisager une refondation plus profonde de la gouvernance et du modèle économique d’Air Sénégal.

Une chose est certaine : l’issue de ce dossier dépassera largement l’avenir d’un simple contrat de leasing. C’est la viabilité même de la compagnie nationale — et, à travers elle, une part essentielle de la souveraineté.

Amadou Bela Diallo, Responsable APR MBOUR et Diaspora