Contribution : La prison c’est le miroir dans lequel la société ne veut pas se voir
dimanche 22 juin 2025 • 168 lectures • 0 commentaires
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iGFM - (Dakar) Albert Camus : Nous ne pouvons juger du degré de civilisation d’une nation qu’en visitant ses prisons. Chaque personne doit être consciente de la vérité suivante : tout le monde peut se retrouver en prison pour des faits ; et je mets l’accent plus à ce niveau, involontaires.
Un accident, un petit acte dénué de la toute petite once de malveillance mais sanctionné pénalement ou encore la malchance peuvent renvoyer une personne en prison.
S’il est vrai ; rappel didactique, qu’une infraction pénale est constituée voire caractérisée dès le moment que les éléments légal, moral et matériel sont réunis ; il reste nécessaire de rappeler que l’évocation de l’élément intentionnel fait référence aussi bien à l’acte volontaire qu’à celui involontaire générateur d’une sanction pénale.
Tout cela pour dire que la prison « DJOMOUL KENE »
En conséquence de ce qui précède, un constat et une interrogation s’imposent.
Le constat est qu’il est noté vraisemblablement une certaine indifférence de chacun de nous sur les conditions carcérales, au Sénégal.
En vérité, les personnes qui parlent plus des conditions carcérales sont celles ayant été privées de liberté et ayant subi l’inhumanité.
Tant qu’on n’est pas concerné, on n’en parle pas ou on en parle furtivement.
Quant à la question, elle porte sur le pourquoi de cette indifférence du plus grand nombre des sénégalais sur une problématique de fond portant même sur les droits humains ou, dirais-je, la dignité humaine ?
Pour rappel considérablement important, la prison ne prive que d’un droit. Celui d’aller et de venir. Tous les autres droits doivent être scrupuleusement respectés et protégés.
Il faut bien retenir ce principe sacro-saint.
Quels sont les objectifs de la prison :
La prison a essentiellement quatre buts :
- Dissuader ;
- Neutraliser ;
- Réparer, et ;
- Réinsérer.
Il est à la base admis ; et cela ne souffre d’aucune contestation, que la prison vise principalement à isoler certains individus dangereux du reste de la population.
Seulement force est de constater que les prisons sénégalaises ne donnent pas garanties crédibles aux deux dernières missions à savoir la réparation de la personne incarcérée et sa bonne réinsertion dans la société.
Les témoignages de personnes ayant fait les prisons sénégalaises et plus particulièrement celle de rebeuss renseignent à suffisance sur les obstacles à une bonne réinsertion de par l’impact négatif de la prison.
Les conditions y sont abominables.
J’ai été particulièrement secoué quand rendant visite à une personne incarcérée à Rebeuss – première fois que je mettais pieds dans une prison - j’ai découvert l’environnement.
Il s’agit ni plus ni moins d’un environnement hostile à une réparation mentale de l’incarcéré, une impossibilité de bonne réinsertion et, finalement, un danger pour la population dès l’élargissement de prison de n’importe lequel prisonnier.
Il serait intéressant d’ailleurs de savoir le nombre de cas de récidive au Sénégal et quelle fréquence de temps après l’élargissement des personnes concernées.
Il faut savoir et l’intégrer avec force et vigueur qu’envisager de meilleures perspectives de réinsertion assure une meilleure prévention de la récidive sinon la meilleure.
Déjà dans une de mes contributions faite en date du 21 Mai 2021 parue sur internet et intitulée La recrudescence des meurtres au Sénégal : les possibles explications, je tirais insidieusement de mes conclusions que les dures conditions carcérales et l’absence de priorisation du but réinsertion pouvaient expliquer certains cas de récidive.
De même, je suis revenu assez extensiblement sur les effets néfastes du surpeuplement carcéral et les dures conditions carcérales obstacles à la bonne réinsertion dans mon premier livre le Sénégal sous laser politique. Page 164 et suivants.
Le surpeuplement carcéral n’y aide pas. Au contraire, au-delà d’y faire obstacle, il contribue à dégrader la santé mentale et même physique des personnes incarcérées.
Au demeurant, force est de constater que la prison ouvre à toute sorte de stigmatisation. Dès qu’on fait la prison, on est associé au mal profond.
Cela ne favorise pas la réinsertion.
Il est à apporter une précision dans la présente contribution pour éviter la toute petite once de confusion.
Aucunement, il est voulu d’un traitement royal des prisonniers.
La prison doit éduquer et favoriser la repentance.
Toutefois, il est voulu non pas le minimum mais le maximum de décence pour les prisonniers.
La privation de liberté, en soi, est une sanction terrible.
L’enfermement carcéral fait aujourd’hui figure de dispositif coercitif particulièrement très sévère, le plus corsé de nos jours.
Il l’est devenu après l’abolition de la peine de mort qui était, jadis, la sanction suprême.
Ajouter à la privation de liberté par faire vivre à ces personnes des situations similaires à ce que nos arrières parents vivaient pendant la traite négrière est à la fois inhumain et dangereux pour la population dont elles vont côtoyer après, forcément.
Ainsi, est-il important ; et pour éviter d’être complice d’un pogrom collectif, de se démarquer, hier comme aujourd’hui, d’alerter et de se faire écho des prisonniers pour une amélioration de leurs conditions de détention.
Prenons le cas de Rebeuss,
Tous les sénégalais ont entendu parler de la prison de rebeuss et savent, peu ou prou, comment les conditions de détention y sont terrifiantes voire inhumaines.
Elle doit subir le même sort que la prison des Baumettes à Marseille.
Les conditions à la prison des Baumettes étaient jugées inhumaines par un rapport d’un contrôleur général des lieux de privation des libertés.
« En décembre 2012, un rapport du contrôleur général des lieux de privation de liberté, constatant l'état alarmant de la prison des Baumettes, déplore une violation grave des droits fondamentaux des personnes privées de liberté. À la suite de ce rapport, le tribunal administratif de Marseille ordonne en décembre 2012 à l’administration pénitentiaire de remettre en état les cellules ainsi que plusieurs équipements, sous un délai de trois mois. La rénovation commence dans la foulée et 848 cellules sont concernées par ces travaux.
L'État est condamné en 2020 après le suicide le 8 juillet 2013 d'un détenu très fragile psychologiquement. Le 7 janvier 2014, un détenu séquestre la directrice pendant trois heures avant de se rendre dans le calme. »
Source Wikipédia
https://fr.wikipedia.org/wiki/Centre_p%C3%A9nitentiaire_de_Marseille
Les conditions à la Baumette étaient jugées dégradantes, alarmantes, inhumaines.
Le conseil de l’Europe la qualifia d’endroit répugnant et estimait que sa rénovation ne pouvait aucunement attendre au sortir d’une visite inopinée en 2006 par deux parlementaires.
Au constat de l’état du surpeuplement carcéral, trois à quatre personnes dans une pièce de 9 mètre carré, évoqué à la Baumette que dire donc de Rebeuss ou largement plus de personnes sont entassés dans les chambres comme des sardines. La triste expression sénégalaise PAKETASS nous y instruit, nous éclaire suffisamment tristement.
Quelques pistes de solutions.
Privilégier les peines de substitution ab initio
Autres temps autres mœurs,
Le droit sénégalais est héritier du droit romain. Dans cette tradition ancienne et dans le domaine carcéral, l’emprisonnement était conçu comme une détention préventive et non comme une peine. L’incarcération est donc assimilable à une période de captivité précaire, provisoire en attendant un jugement.
Elle durait le temps de l’instruction et permettait aux autorités d’avoir main mise sur le prévenu.
C’est à la fin du moyen âge ; fin du dix-huitième siècle, que la prison se charge d’une fonction pénale et coercitive pour devenir ce qu’elle est aujourd’hui.
C’est à ce moment qu’elle devient alors un symbole et un véritable instrument de l’Etat.
Au Sénégal, aujourd’hui, il faut qu’il y’ait une évolution.
En effet, le renvoi systématique en prison doit être atténué par d’autres types de sanction.
Il y’a énormément à faire au Sénégal pour le développement.
Ainsi, pour certains délits mineurs, d’autres peines peuvent-elles être prévues comme les travaux d’intérêt général, la contribution à une meilleure salubrité publique de par le nettoiement des artères par quelques prisonniers et d’autres possibilités à trouver.
Cela favorise aussi bien le désengorgement des prisons que le respect de l’exigence de la proportionnalité des peines.
Article 8 de la déclaration de 1789 selon lequel article la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires.
Il est préconisé également la construction d’autres prisons pour désengorger celles implantées, construites il y’a longtemps au Sénégal.
L’option des bracelets électroniques en soi reste importante et peut permettre, à tout le moins, un désengorgement des prisons.
Du reste, il serait intéressant de conditionner les remises de peine par le comportement exemplaire qu’aurait adopté le prisonnier mais aussi par la volonté affichée par le prisonnier de se former ou de faire des études.
Mais pour ce faire, il faut rationnaliser et normaliser les prisons.
Ex : cas Philippe Maurice en France. Rescapé miraculeusement par l’élection de François Mitterrand comme Président de la République de la France en1981 et par les faveurs d’une loi pénale plus douce qui rétroagit. Il a été condamné pour peine de mort. Sanction qui allait être maintenue à la réélection du Président Giscard. Les socialistes prenant le pouvoir, la peine de mort fut abolie au grand bonheur de Robert Badinter.
Philippe Maurice fut condamné à perpétuité. C’est en prison qu’il obtient tous ses diplômes (Bac – Licence – Maitrise – doctorat en histoire médiévale)
Élargi par le Président Jacques Chirac en 2000, il dispense des cours dans les universités françaises.
Aujourd’hui, il est auteur de plusieurs livres.
Essentiellement, cet exemple est la parfaite illustration qu’un criminel peut dans le temps être utile à la société si les prisons répondent aux standards normaux et les conditions de détention favorisant la réinsertion sociale.
https://www.francebleu.fr/emissions/crimes-en-touraine/philippe-maurice-une-reinsertion-exemplaire-en-touraine-3766796
Pour finir, il est préconisé une séparation d’entre les prisonniers selon la gravité des infractions commises.
Il ne devrait être mis ensemble une personne condamnée pour un crime avec une personne autre coupable d’un délit mineur et dont la société doit pouvoir se montrer, dans un premier moment, indulgente pour le sauver.
En définitive, il faut repenser le monde carcéral. Le faire, c’est de faire davantage du Sénégal un pays respectueux de la dignité humaine. Et, compte tenu notre histoire, nous ne devons faillir à ce niveau.
Boubacar Mohamed SY
Juriste spécialisé en droit du numérique, des technologies avancées et de la cybersécurité
Écrivain
Auteur des livres :
- le Sénégal sous laser politique. 180 Pages. Août 2023. Ed harmattan
Présidentielle 2024 au Sénégal : Échec et Mat. 210 Pages. Juillet 2024. Ed Harmattan.
Analyste politique.
Conseiller Municipal / Commune de Patte d’oie
Publié par
Harouna Fall
editor
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