Indépendance des médias et littératie numérique pour un "New deal" technologique (par Khady Sow)

mercredi 19 mars 2025 • 358 lectures • 0 commentaires

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Indépendance des médias et littératie numérique pour un

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À l’ère du numérique, les médias jouent un rôle central dans la diffusion de l’information et la construction démocratique. Pourtant, leur indépendance est de plus en plus menacée par des pressions économiques et politiques, ainsi que par l’hégémonie des plateformes numériques. Dans ce contexte, la littératie numérique devient un impératif pour garantir un usage critique et responsable des technologies, tout en préservant la diversité médiatique.

Les médias, dont on s’accorde sur la grande influence au point de leur accoler le qualificatif de 4e pouvoir sont des plateformes importantes pour la communication, la culture et la démocratie. Une pluralité des médias ainsi que des opinions est essentielle pour l’édification de sociétés démocratiques et inclusives. Et ceci qu’ils soient de masse ou dit traditionnels, détenus par de grands groupes ou alternatifs depuis l’avènement du numérique et des réseaux sociaux qui ont changé le paysage médiatique, pour le meilleur comme pour le pire. 

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Les plateformes de communication mondialisée, au main des géants de l’Internet ont une certaine hégémonie dans la circulation des contenus et de l’information, disposant d’un pouvoir d’influence et de contrôle sans précédent à l’échelle planétaire, sur ce que voient, vivent, partagent et expérimentent les populations connectées. Ils peuvent de ce fait influer sur les dynamiques sociales mais également économiques et politiques. Ce sont des géants qui rêvent de dérégulations et de la mort des médias d’information, balances de leur pouvoir. De ce fait, ils n’hésitent pas à user de tout leur poids, s’impliquant même en politique étatique, comme on l’a vu récemment avec les élections américaines mais également allemandes, pour échapper à toutes règles claires pour plus de responsabilité, de transparence, pour la fin des algorithmes imposée, pour plus de concurrence et une certaine redevabilité. 

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Le numérique a donc un immense potentiel pour le développement et la participation citoyenne mais les défis réels d’un monde interconnecté, en perpétuelle mutation, pose la nécessité d’implémenter et d’évaluer la littératie numérique de nos populations pour asseoir la réussite de tout « deal technologique ». Un impératif de plus en plus adressé en Occident, avec des politiques d’éducation aux médias numériques dans les réseaux scolaires et universitaires ainsi que sur des plateformes dédiées aux citoyens.



Ainsi, en Suisse romande, il existe  un plan cadre d’éducation numérique  dans les 3 cycles de la scolarité obligatoire, un plan d’études (Lehrplan 21) d’éducation aux médias et d’informatique en Suisse alémanique. On peut relever également des initiatives conjointes du monde éducatif et des médias comme la semaine des médias à l’école afin de sensibiliser au travail des journalistes et développer la littératie médiatique. Ce sont des pratiques exemplaires pour nos démocraties africaines, mais cela suppose une collaboration toute aussi exemplaire avec une presse indépendante, dont le rôle est réhabilité et non pourfendu au détriment de réseaux d’influence vecteurs de désinformation et de discours haineux, dangereusement polémiques.



Des médias libres de rapporter les faits et de présenter les opinions sans crainte de représailles ou de pressions politiques ou économiques sont des composantes essentielles d’une société démocratique, pluraliste et inclusive. Une indépendance souvent menacée par des défis tels que :
    La propriété des médias : Lorsque les médias sont la propriété de grandes entreprises ou de politiciens, il y a un risque que l'objectivité journalistique soit compromise pour des raisons économiques ou politiques. 



  La concentration des médias : Une concentration excessive des médias entre les mains de quelques grands groupes peut réduire la diversité des voix et des opinions présentées, ce qui peut nuire à la qualité de l'information disponible pour le public. 
    Les pressions politiques : Les gouvernements peuvent exercer des pressions sur les médias pour qu'ils adoptent une ligne éditoriale favorable au pouvoir en place, ou pour qu'ils évitent de couvrir certaines questions sensibles. 



  - Les pressions économiques : Les annonceurs peuvent exercer une influence sur le contenu des médias en menaçant de retirer leur soutien financier si le contenu ne leur convient pas. 
 - La désinformation : La propagation de fausses informations et de théories du complot peut semer la confusion dans l'esprit des gens, sapant ainsi leur confiance dans les médias traditionnels. 
Ces défis ne devraient cependant pas être un prétexte pour démanteler les entreprises de presse mais plutôt un incitatif à former des citoyens avertis. Il ne s’agit pas de renier tout ce que disent les médias traditionnels ni de croire à tout ce qu’on voit sur les réseaux sociaux mais de développer une pensée critique, une capacité à analyser les sources d’informations. 



La littératie [médiatique] numérique, qui est définie comme la capacité à comprendre, à évaluer et à utiliser les médias et les technologies numériques de manière critique, créative et éthique, va au-delà des habiletés technologiques et des infrastructures. Elle suppose un développement de compétences telles que la recherche d'informations, l'analyse des sources, l'évaluation de la crédibilité, la protection de la vie privée, la gestion de l'identité en ligne, la communication responsable et la résolution de conflits.



Pas de digitalisation réussie sans littératie médiatique numérique
« [faire] du numérique un des moteurs de notre transformation sociale et économique » nous dit le Président Bassirou Diomaye Faye au lancement du « New deal technologique » du Sénégal. Ceci n’est sûrement pas un vœu pieux, même pas un vœu car c’est un fait établi que le numérique sera le moteur de toute transformation future à moins qu’une catastrophe nous ramène à l’âge de pierre. Il aura une influence de plus en plus marquée sur nos sociétés, leur devenir économique mais aussi politique. Le numérique pourrait réduire la fracture sociale ou l’aggraver, asseoir des gouvernements et des politiques ou les déstabiliser, être au service de lobby puissants, de groupes hostiles, malveillants et bien organisés.
Bien évidemment, on nous parlera de cybersécurité, d’empreinte numérique unique, de souveraineté mais qu’en est-il réellement dans la mesure où on est loin d’être souverain en termes d’infrastructures et qu’on dépend grandement de grands joueurs comme Starlink, Google, Nvidia et Meta ? 



Le discours ainsi que les piliers de la stratégie sénégalaise semblent tourner autour des infrastructures et des compétences technologiques, de l’accessibilité universelle à Internet (en sollicitant Starlink et Google), l’innovation et l’entrepreneuriat. On parle de champions nationaux, de développer une élite numérique qui serait une référence en Afrique. Et la grande masse ? Celle qui est à l’ère du numérique ? Qui va la consommer au quotidien ? Absorber ses bienfaits comme ses méfaits ? Qu’est-ce qu’on en fait ? On fait appel à sa responsabilité, c’est bien mais de quelle responsabilité parle-t-on ? Comment la situer sans une éducation numérique ? J’ai beau lire les différentes communications sur la stratégie numérique, je n’ai vu nulle part une allusion à une littératie numérique qui est d’une importance cruciale.


Une nécessité pour toute stratégie de digitalisation qui fait que des pays forment leurs populations et s’inquiètent du défi que constitue la citoyenneté numérique pour la démocratie. Ils s’inquiètent légitimement des répercussions sociales, économiques et politiques de l’influence des GAFAM, BATX et NATU*? Qu’en est-il de notre Afrique ? Ne devrait-on pas s’inquiéter d’une colonisation digitale en basant nos stratégies sur les « grands acteurs mondiaux de la technologie » ? Une réflexion à mener à l’ère du numérique et de l’Intelligence artificielle.


Khady Sow
Suisse, mars 2025



 GAFAM : Acronyme des géants du web, Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft. Aujourd’hui on parle plutôt des « Magnificent seven » : Google (Alphabet), Apple, Facebook (Meta), Amazon, Microsoft, Nvidia et Tesla.
  BATX : l’équivalent chinoise des GAFAM, Baidu, Alibaba, Tencent et Xiamo
  NATU : Netflix, Airbnb, Tesla et Uber



Sources :

Le centre canadien de littératie aux médias numériques  
Confédération Suisse : Plateforme Jeunes et médias 
CIIP / Plan d’Études Roman 2024
CDIPD / Lehrplan21
Ministère de l’Éducation Ontario Par ici, la littératie
Présidence de la République du Sénégal (Communiqué du 24 février 2025)
MTCTN/Programmes et projets phares 

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Publié par

Joe N. Marone

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