"Quand la démocratie se compromet : Le reniement du président sur l’indépendance de la justice"

lundi 24 mars 2025 • 1816 lectures • 0 commentaires

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iGFM - (Dakar) La démocratie repose sur un équilibre délicat entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Ce principe, théorisé par Montesquieu dans De l’esprit des lois (1748), vise à empêcher la concentration du pouvoir entre les mains d’un seul homme ou d’une seule institution.

 Montesquieu avertissait déjà que :
“Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principaux, des nobles ou du peuple, exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire les lois, celui d’exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.” (De l’esprit des lois, Livre XI, Chapitre 6)
Or, au Sénégal, cet équilibre semble aujourd’hui remis en cause, non seulement par des choix institutionnels discutables, mais aussi par un reniement des engagements pris devant le peuple.
Lors de la dernière campagne présidentielle, l’un des engagements majeurs du candidat victorieux portait sur la suppression du cumul des fonctions de Président de la République et de Président du Conseil supérieur de la magistrature. Cette réforme, perçue comme un levier essentiel pour garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire, avait suscité un immense espoir. Elle promettait une justice plus autonome, libérée des influences politiques et capable de jouer pleinement son rôle de contre-pouvoir. Pourtant, une fois élu, ce même président a renié cet engagement, conservant un système qu’il dénonçait auparavant comme une anomalie institutionnelle. Ce revirement, survenu après un recul similaire concernant l’abrogation totale de la loi d’amnistie, illustre un décalage préoccupant entre les promesses de campagne et les décisions prises une fois au pouvoir. Une telle attitude alimente la méfiance des citoyens envers leurs institutions et affaiblit la crédibilité de l’État.

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Ce reniement pose une question fondamentale sur l’indépendance de la justice. L’article 88 de la Constitution sénégalaise affirme clairement que “le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif”. Cette disposition vise à garantir que la justice fonctionne sans interférence politique, dans le strict respect des lois et des principes d’équité. Cependant, en maintenant la possibilité pour le chef de l’État de présider le Conseil supérieur de la magistrature, le pouvoir exécutif conserve un levier de contrôle direct sur le système judiciaire. Ce cumul de fonctions pose un problème majeur de séparation des pouvoirs. Comment une institution censée contrôler et, si nécessaire, sanctionner l’exécutif peut-elle être dirigée par le Président lui-même ? L’absence d’une autorité judiciaire totalement indépendante ouvre la porte à des décisions biaisées, où la justice peut être utilisée comme un outil politique. Une justice perçue comme inféodée au pouvoir exécutif perd en crédibilité et ne peut plus jouer pleinement son rôle de garant des droits et libertés. Montesquieu soulignait déjà que la séparation des pouvoirs est essentielle à la liberté des citoyens :

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“Il n’y a point encore de liberté, si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice.” (De l’esprit des lois, Livre XI, Chapitre 6)


En revenant sur cet engagement, le gouvernement envoie un signal négatif : l’indépendance de la justice semble être reléguée au second plan, au profit de considérations purement politiques.
L’histoire récente nous montre que lorsqu’un chef d’État exerce une influence directe sur la justice, les institutions démocratiques s’affaiblissent et les abus de pouvoir se multiplient. En Russie, Vladimir Poutine a utilisé la justice pour neutraliser ses opposants politiques et modifier la Constitution afin de prolonger son règne. En Turquie, Recep Tayyip Erdoğan a purgé l’appareil judiciaire et placé des juges fidèles à son régime, réduisant à néant toute contestation légale. Au Venezuela, Hugo Chávez puis Nicolás Maduro ont transformé la Cour suprême en un outil de répression contre l’opposition politique. Si le Sénégal emprunte une voie similaire, les conséquences pourraient être désastreuses. Un système judiciaire inféodé au pouvoir exécutif compromet l’équilibre démocratique et ouvre la porte à des dérives autoritaires. Un contrôle excessif de la justice exacerberait les tensions entre le pouvoir et l’opposition, limitant la liberté d’expression et fragilisant la stabilité du pays. Un affaiblissement de l’indépendance judiciaire nuirait également à l’image du Sénégal à l’international, dissuadant les investisseurs et compromettant les relations avec les partenaires internationaux.



Le maintien du contrôle de l’exécutif sur la justice s’ajoute au recul sur l’abrogation totale de la loi d’amnistie. Ces renoncements successifs trahissent un schéma préoccupant où les promesses électorales sont rapidement éclipsées par des stratégies de conservation du pouvoir. Ces revirements ne sont pas anodins. Ils participent d’une logique où la primauté des institutions est sacrifiée au profit d’intérêts politiques immédiats. Cette dynamique risque de fragiliser durablement la confiance des citoyens dans leurs dirigeants et de renforcer le sentiment de désillusion à l’égard du processus démocratique.



Face à ces reculs inquiétants, la société civile, les professionnels du droit et l’ensemble des citoyens sénégalais doivent rester vigilants et mobilisés. La démocratie ne saurait se limiter à un simple exercice électoral ; elle repose sur une culture politique qui valorise la transparence, la responsabilité et l’équilibre des pouvoirs. Il appartient à chaque citoyen de défendre l’indépendance de la justice et de refuser toute dérive qui remettrait en cause les principes démocratiques fondamentaux. Montesquieu nous rappelle que : “Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir.” (De l’esprit des lois, Livre XI, Chapitre 6)


Si nous restons passifs face à cette situation, nous risquons de voir les acquis démocratiques du Sénégal progressivement remis en cause. Le Sénégal a toujours su préserver un équilibre démocratique malgré les défis politiques. Il est aujourd’hui impératif de garantir que cet héritage ne soit pas sacrifié sur l’autel des intérêts partisans. Si la séparation des pouvoirs est affaiblie, c’est l’ensemble du système démocratique qui est menacé. Exiger le respect des engagements pris devant le peuple est un devoir citoyen. C’est seulement ainsi que nous pourrons protéger l’avenir démocratique de notre nation.


Ahmadou Bella Diallo
Président du mouvement And Bollo Defar Sunu Rew
Responsable politique APR de Saly

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Publié par

Harouna Fall

editor

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